jeudi 24 juin 2010

Après les abeilles, les huîtres ?

Baisse de 70% du nombre d'huîtres françaises commercialisées en 2012 : on doit cette prévision alarmante à la Direction des Pêches Maritimes (DPMA), qui a été sollicitée avec les autres acteurs de la filière huîtres, lors des Assises de la conchyliculture lancées par le Ministère de l'Agriculture le 22 juin dernier.

Les craintes ne datent pas de 2010 : dès "2008 et en 2009, 60 à 100% des huîtres creuses (qui représentent plus de la moitié de la production) juvéniles avaient été touchées par une mortalité inhabituelle", précise la DPMA. Les ventes d'huîtres françaises en 2010 pourraient déjà chuter de 50%.

En cause, semble-t-il un virus... ce n'est pas varroa destructor, mais des virus de type herpès : OsHV1 et sa variante muvar (les virus mutent ne l'oublions-pas). Autres facteurs avancés par l'IFREMER, l'élévation de la température des eaux.

Comme avec les abeilles, les experts ne sont pas tous d'accord : ainsi, les producteurs d'huîtres traditionnels, qui sont la minorité et qui font naître les huîtres en mer, affirment que ce sont les écloseries d'huîtres en laboratoire (l'essentiel de la production française) qui seraient en cause, et en particulier, l'utilisation d'une variété d'huître génétiquement modifiée, les fameuses huîtres triploïdes.

Il s'agit d'huîtres dont l'ADN n'a pas été modifié ni "enrichi" par des chromosomes d'autres organismes, donc pas d'huîtres OGM, mais dont l'IFREMER a multiplié le chromosome natif, le faisant passer à 3 paires (3n) au lieu de 2. Selon les éleveurs d'huîtres traditionnels, ces huîtres qui sont rendues stériles pour qu'elles grandissent plus vite, seraient plus vulnérables aux maladies. Guy Lebrun, ingénieur aquacole, va dans le même sens en affirmant que la sélection génétique pratiquée par les couveuses de l'IFREMER aboutit à une moindre diversité génétique, qui entraîne chez les huîtres une baisse de leurs défenses immunitaires.
Des arguments qui ne sont pas sans rappeler les débats sur la mortalité des abeilles aux Etats-Unis...

Vrai ou faux ? Impossible de le savoir en l'état. Les Assises de la conchyliculture devraient permettre d'y voir plus clair. Elles se concluront en octobre 2010.

lundi 14 juin 2010

le Bio chez ED : pommes de terre de la Motte made in Israël

Il y a quelques mois à peine, le client des magasins ED découvrait des pommes de terre bio dans les rayons de la marque Hard discount. Bonne nouvelle ? Assurément oui, pour qui souhaite manger du bio à petit prix... et pour tous ceux qui souhaitent la "démocratisation" du bio.
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"Ferme de la Motte, producteur depuis 1876", peut-on lire sur une étiquette qui sent bon le terroir et l'authentique...origine Israël, écrit en tout petit.

La ferme de la Motte dispose d'un joli site, très pro, comme on n'en a jamais vu de la part d'un agriculteur... avec une vidéo en introduction, musique country et ce premier mot : "Terroir" suivi de : "conditionneur vendeur". L'entreprise, qui a réalisé un CA de 18 millions d'euros en 2008 (site societe.com), ne dit pas sur son site combien d'hectares elle exploite, mais elle précise qu'elle produit 8000 à 10 000 tonnes de pommes de terre... non bio.

Question : pourquoi produit-elle des pommes de terre non bio et importe-t-elle des pommes de terre bio ?

Pour faire du business, bien sûr.

Quant au mot "terroir" : après être revenu à la mode, il est maintenant utilisé à tout crin . A quand l'indication "terroir naturel" sur une étiquette ?


samedi 12 juin 2010

Le bio dans les cantines : l'exemple de Bordeaux-Mérignac

Suite à mon poste d'hier, voici le compte-rendu de l'intervention du SIVU de Bordeaux-Mérignac et de Benoît Granger, éleveur, lors des rencontres nationales organisées par l'Agence Bio le 8 juin dernier.


Intervenants :

- Jean-Pierre TEISSEIRE, Responsable Qualité Achats du Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU) de Bordeaux-Mérignac
- Benoît GRANGER, éleveur, directeur de la SCA le Pré vert

Jean-Pierre Teisseire explique que sa ville est engagée depuis plusieurs années sur l’Agenda 21 et c’est dans ce cadre que les produits bio ont été développés dans les cantines scolaires, en liaison avec ARBIO Aquitaine.

Le SIVU gère 16 000 à 20 000 repas par jour. Il a mis en place des procédures d’appels d’offre exigeantes, avec un ensemble de fiches techniques pour chaque classe de produits. Sur cette base, la cuisine centrale s’approvisionne en denrées bio : fruits et légumes (4ème gamme), riz, et pâtes, produits laitiers… L’introduction des pâtes bio a permis de réaliser une économie de 20%.

Pour la viande de veau, le SIVU est passé successivement d’une viande d’origine hollandaise à une viande française labellisée, puis à une viande bio originaire de la région. Ce basculement a été graduel. Il a été précédé par des expérimentations. L’introduction de la viande bio s’est faite en raisonnant sur la carcasse entière et non par morceaux. Toute l’équipe du SIVU s’est mobilisée : chef de production, diététiciens, gestionnaire qualité. Le mode de cuisson retenu est la cuisson de nuit à basse température, qui offre une excellente texture de viande tout en permettant un coût d’énergie plus bas.

En terme de rendements, la viande bio est largement plus performante :
- perte sur le veau hollandais : 50%
- perte sur le veau labellisé : 40%
- perte sur le veau AB : 30%

Benoît Granger, éleveur en Dordogne et membre du GAEC La Gillette, explique ensuite que l’approvisionnement des cantines de Bordeaux-Mérignac lui a permis de valoriser toute sa production en bio. Au départ, son groupement d’éleveurs fournissait les boucheries traditionnelles, y compris en région parisienne, puis il a approvisionné la distribution bio spécialisée (Biocoop). Mais il vendait ses broutards en conventionnel en Italie, faute d’avoir un meilleur débouché.

L’approvisionnement du SIVU lui a permis de valoriser ses carcasses de broutards en veau rosé bio (rôtis et blanquettes essentiellement). Malgré les réticences initiales du SIVU, ils ont trouvé une solution qui consiste à congeler la viande et à la conditionner en petites quantités.

En 2010, le groupement d’éleveurs réunit 45 exploitations, contre 20 en 2008. La croissance de son chiffre d’affaire est de 45% et ils approvisionnent 50 collèges de la région, en plus du SIVU.

vendredi 11 juin 2010

Le bio dans les cantines : l'exemple de Brest

Le 8 juin dernier, l'Agence Bio organisait un colloque sur le thème de l'introduction des aliments bio dans les cantines scolaires. Voici le compte-rendu de l'intervention faite par nos amis brestois.

Intervenants :
- Alain JOUIS, conseiller municipal de Brest
- Florence BUSSON de la Maison de l’Agriculture Biologique du Finistère (MAB 29)
- Jean-Michel NOEL, Directeur d’Exploitation de Sodexo.

Alain Jouis explique qu’à Brest, l’introduction des produits bio dans les écoles (et dans les repas portés à domicile) a débuté en 2001. Mais c’est en 2007, lors de l’ouverture d’une nouvelle cuisine centrale confiée à Sodexo (par délégation de service public), que le bio dans les écoles a réellement pris son essor. Dès 2008, la part des denrées bio était de 21% en valeur.

Le cahier des charges établi en 2007 par la mairie visait notamment à développer la part des produits bio et à faire appel à des filières de production locales. Les filières pain et produits laitiers ont pu être sollicitées sans difficulté majeure, mais la filière fruits et légumes locale a nécessité une solution collective :

La municipalité a travaillé avec la Maison de l’Agriculture Biologique et Sodexo, en commençant par les carottes et les salades (les choux-fleurs et brocolis ont été écartés, car jugés moins « populaires » chez les enfants). La cuisine centrale ne disposait pas d’une légumerie et elle avait besoin de carottes calibrées, or les carottes bio locales ne l’étaient pas. La solution trouvée est la suivante : un producteur local a accepté d’investir dans une unité de calibrage et Sodexo s’est engagée sur des volumes d’achat pluriannuels. C’est ainsi que les carottes bio locales ont pu remplacer les carottes d’Italie. En 2009, les producteurs locaux fournissaient entre 75 et 100% des carottes, salades et pommes de terre nécessaires à la cuisine centrale.

Florence Busson de la MAB 29, explique que l’enjeu était aussi de s’inscrire dans une démarche de développement durable dont le troisième pilier est la dimension sociale. Elle rappelle qu’à production égale, l’agriculture biologique représente 20 à 30% d’emplois supplémentaires.

La filière de Fruits et légumes locaux représente 50 producteurs et deux opérateurs, l’un pour le calibrage et l’autre pour la logistique. Au total, l’approvisionnement des écoles brestoises nécessite des surfaces réduites :
- 1 hectare de carottes
- 1000 m2 de salades
- 2 hectares de pommes de terre
- 7000 m2 pour les pommes
Pour ce qui est des produits laitiers, Florence Busson précise que 5 vaches sur 5 hectares de pâturages suffisent.

Le troisième intervenant, Jean-Michel Noël, était responsable de la cuisine centrale de Brest et c’est lui qui a travaillé avec la MAB et la municipalité. Aujourd’hui il travaille à la Direction de la Qualité et du Développement Durable de Sodexo. JM Noël explique qu’au départ il craignait pour la sécurité sur les volumes fournis. Avec le recul, les variations de production d’un an sur l’autre sont gérables. Puis il projette une vidéo qui présente le projet en mettant en avant le travail collectif et le rôle des agriculteurs de la région.